Qu’est ce qu’un apport en compte courant ?
1. – A titre liminaire, il convient de préciser que la terminologie employée est fallacieuse à plusieurs titres :
– D’une part, parce qu’il est exclu de parler “d’apport”. Il recouvre une notion tout à fait différente : elle permet la formation du capital social ! S’agissant du compte courant, il est d’usage de le qualifier “d’avances” en compte courant : il s’agit bien d’un prêt qui a pour finalité d’être remboursé.
– D’autre part, la notion de compte courant est un faux ami à ne pas confondre avec le compte courant de votre banque.
Les comptes courants sont donc de simples prêts qui présentent la caractéristique d’être consentis non par des établissements financiers mais par les associés eux-mêmes en dérogation au monopole bancaire.
2. –Le compte courant est utile car il bénéficie d’une souplesse d’utilisation : un simple virement est suffisant à qualifier l’opération, il n’y a besoin d’aucun formalisme. Il est toutefois conseillé de la formaliser dans une convention qui peut éventuellement porter intérêt. Sans quoi, les associés prêteurs sont en principe en droit de demander à tout instant le remboursement de leur créance chaque fois que l’avance a été consentie sans condition de délai. Il sera ainsi opportun de préciser comme condition de remboursement un terme, un délai de préavis voire une décision de l’organe exécutif considérant la trésorerie disponible et les besoins de la société.
3. –A noter, il existe une indépendance entre la qualité d’associé et celle de prêteur. En effet, la créance en compte courant procède du contrat de prêt (à titre d’illustration, l’apport concerne, lui, le contrat de société !). Deux incidences connues à relever ici : d’une part, dès lors que la procédure collective est ouverte, il est impossible de compenser la dette d’apport avec la créance en compte courant ; d’autre part, la cession des titres n’emporte pas automatiquement cession de la créance en compte courant.
4. – Fiscalement, la créance en compte courant génère des intérêts. Ces derniers sont appréhendés sur le plan fiscal d’une manière plus favorable que les dividendes. S’agissant des intérêts, ils constituent une charge déductible dans la limite des taux pratiqués par les établissements bancaires : au-delà de 3%, ils doivent subir une réintégration fiscale. Par ailleurs, cette déductibilité nécessite que le capital social soit intégralement libéré !
Le sociétariat public au sein de la SCIC.
5.-Il s’agira préalablement de déterminer si la SCIC admet une collectivité dans son sociétariat ? En effet, en droit des sociétés, seuls les associés peuvent consentir des prêts à la société sans risquer de contrevenir au monopole des établissements bancaires. La réponse est claire, depuis la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, les collectivités peuvent facilement devenir associés d’une société coopérative d’intérêt collectif. Cette règle est transposée dans la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération à l’article 19 septies:
« Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent détenir ensemble jusqu’à 50 % du capital de chacune des sociétés coopératives d’intérêt collectif. »
6. –En pratique, toutes les sociétés peuvent admettre une participation des collectivités dès lors qu’elles ont obtenu une autorisation du Conseil d’Etat (v. L2253-1 CGCT). Néanmoins, cette disposition ne trouve pas application en matière de SCIC : les collectivités territoriales peuvent prendre des participations sans cette autorisation préalable. Plus encore, la collectivité devra s’assurer que l’objet social de la coopérative entre dans le champ de sa compétence et qu’un mandataire est nommé par son organe exécutif.
Le prêt octroyé par une collectivité à une société commerciale est-il possible ?
7. –Dès lors que la collectivité est associée d’une société coopérative d’intérêt collectif, elle devrait normalement se voir octroyer les droits dévolus aux associés… comme celui d’user de la possibilité de réaliser une avance en compte courant.
8. –A notre connaissance, une seule hypothèse d’octroi d’avance en compte courant d’une collectivité est envisagée par le législateur. Il s’agit de la Société d’Économie Mixte (SEML). Elle admet pour une période de 2 ans l’avance en compte courant de la collectivité à la société. Le montant est également encadré (v. 1522-4 CGCT).
Il y a lieu ici de préciser que la SEML (SPL, SPLA, SEMOP[1]) se distingue de la SCIC notamment sur un point important : la composition de leur actionnariat. En effet, tandis que la SEML se caractérise par un actionnariat public majoritaire – soit 51 % du capital social – en application des dispositions de l’article L. 1522-2 CGCT, la SCIC ne peut tolérer une participation publique au capital social au-delà de 50 % (v. article 19 septies précité).
En d’autres termes, le législateur ne permet à une personne publique de jouer le rôle de prêteur – hors les cas exceptionnels qui vont être mentionnés par la suite – que vis-à-vis d’une autre structure au capital majoritairement public, ce qui ne peut pas être le cas d’une SCIC, par nature.
9. –Exception est strictissimes interpretationes, les exceptions sont d’interprétation stricte. Aussi, le prêt à tout autre organisme nous paraît, en principe, devoir être exclu pour l’actionnaire public. Il existe quelques hypothèses où l’octroi d’un prêt par la collectivité territoriale est possible, parmi lesquelles :
– L’octroi d’un prêt à une association reste une opération exceptionnelle soumise à des conditions strictes, particulièrement celle que l’association ne soit pas considérée comme une entreprise au sens des lois du 2 mars 1982 et du 7 janvier 1982 (v. CE 31 mai 2000, Ville de Dunkerque, req. n° 170563). De ces deux textes l’un est pour partie abrogé, l’autre frappé de caducité. A notre sens, si l’hypothèse est envisagée par le CE en 2000, elle nous paraît aujourd’hui difficilement envisageable.
– L’octroi d’un prêt à usage gratuit est possible mais également très encadré et inappropriée dans la situation qui nous intéresse
– L’octroi d’un prêt à une société commerciale dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables, société dont les installations sont implantées sur le territoire de la commune ou de l’EPCI prêteur ou sur un territoire limitrophe (L2253-1 CGCT);
Analyse et proposition juridique
10.-La loi est muette sur la notion d’avance en compte courant d’associé par une collectivité ayant pris des participations dans une société coopérative d’intérêt collectif (mais sans jamais y être pour autant majoritaire). L’opération nous paraît donc impossible.
11.-A cet égard, il nous semble pouvoir être formulé 3 propositions :
1- Inviter le gouvernement à proposer un projet de loi relatif à l’autorisation d’avance en compte courant d’associé pour les collectivités territoriales ayant des participations dans une société coopérative d’intérêt collectif ;
2- Assurer un mode de financement “indirect” en ouvrant plus largement les autorisations de garantie d’emprunt dans la limite fixée par le texte L2253-1 CGCT ;
3- Pérenniser les actions de financement locales en invitant la collectivité à participer à un établissement de crédit qui octroie indirectement le prêt à la société coopérative d’intérêt collectif dont elle est associée. (v. L2253-7 CGCT).